Biographie

André photographié par Alice - 1948

André photographié par Alice - 1948

Reportage France 3

80 ans de photographie

André Gamet, né en 1919, a une carrière de photographe de plus de 80 ans.

En 1941, à ses débuts dans la photographie, il obtient le premier prix du concours national du Jeune Photographe. Puis il est choisi comme l’un des cinq meilleurs photographes français (The World’s Greatest Photographers New York 1953).

Il est le seul photographe professionnel à avoir photographié le maquis du Vercors, ainsi que la ville de Lyon occupée par les allemands mais aussi sa libération.

C’est en 1946 que Raymond Grosset lui demande de rejoindre sa très célèbre équipe de photographes de l’agence Rapho où travaillent déjà Brassaï et Doisneau.

Il se met à voyager dans le monde entier, mais c’est à Lyon qu’il préfère vivre plutôt que de s’installer à Paris.

En 1994, deux de ses photographies sont choisies par la ville de Paris pour illustrer sa campagne d’affichage pour la Commémoration du 50ème anniversaire de la Libération.

En 2004, le Sénat expose sur les grilles du jardin du Luxembourg sa photographie « Bal populaire » (1944).

Il est fidèle à la notion d’instant décisif, aussi chère à Cartier-Bresson.


Bibliographie

Mort du reporter - photographe André Gamet


Dernier reporter-photographe français de la seconde guerre mondiale, André Gamet est mort à Lyon le 17 mars à l’âge de 98 ans.
Né à Oullins, dans la banlieue lyonnaise en 1919, ce fils d’ancien combattant côtoie tout jeune le milieu artistique, formé au dessin et à la peinture par Pierre Combet-Descombes (1885-1966), qui grave pour les éditions d’art La Sirène, enseigne le dessin et fréquente imprimeurs, galeristes et photographes, dont Théodore Blanc (1891-1985) et Antoine Demilly (1892-1964), qui s’associent dès 1924 et fondent à Lyon l’une des toutes premières galeries entièrement consacrées à la photographie en 1935. L’année même où, au collège de la Martinière, le jeune André attrape le virus de la photo, qui ne le lâchera plus. Emerveillé par la manipulation de son premier appareil, un reflex 3 × 4, il se donne pour « mission » de saisir les bribes de vie et d’histoire qui le frappent.
Alors que la débâcle annonce la faillite de la République, Gamet travaille dans une usine à Pierre-Bénite, au sud de Lyon, quand, le 18 juin 1940, dans l’autobus, il découvre un soldat casqué en vert-de-gris, fusil à l’épaule. Cette silhouette solitaire incarne le désastre qui conduit quelques jours plus tard à l’armistice.

Images interdites

Pour l’heure, Lyon est déclarée « ville ouverte ». Dès le lendemain, le jeune homme glisse dans sa poche son appareil pliant (un Bessa 6 × 9) et, de l’autobus, met « en boîte » une estafette allemande demandant sa route à un sergent de ville ; le lendemain, c’est au tour d’une sentinelle observant les convois sur les quais du Rhône… Autant d’images interdites qui peuvent lui valoir les travaux forcés. André Gamet n’en a cure. Il multiplie les clichés des occupants, grâce un petit reflex Exakta qui, porté courroie au cou, permet de cadrer sans regarder le sujet.

Dès lors, il ne sort plus sans un appareil et fixe les fanfares et défilés commandités pour la propagande du Reich, l’arrivée d’une colonne d’artillerie motorisée cours Gambetta, où il identifie des voitures anglaises saisies à Dunkerque. Ce « journal photo » va fournir l’un des plus précieux témoignages de la vie sous l’Occupation.

 

André Gamet obtient le premier prix du concours national du jeune photographe en 1941

Bientôt, André Gamet quitte l’industrie chimique. Comme il obtient le premier prix du concours national du jeune photographe en 1941, il intègre, en janvier 1942, le service photo du nouvel hebdomadaire Marche, mais le titre disparaît dès l’été, victime de la censure. Marié la même année, il est père en 1943, mais encourage son épouse – ils habitent près d’une voie ferrée et les bombardements rendent l’adresse dangereuse – à quitter Lyon pour la campagne ; son beau-frère, engagé dans la Résistance, lui demande des photos d’identité destinées aux faux papiers de paras américains débarqués en Afrique du Nord.

Gamet participe à des opérations commandos pour récupérer des armes parachutées, sans jamais oublier son appareil… D’où des clichés d’autant plus incroyables que la pellicule est rare : « Il fallait cadrer tout de suite et très vite », confie-t-il à l’automne 2012, lors de la réouverture du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD) à Lyon.

Une « photographie humaniste »

Du Vercors à la libération de Lyon, des chantiers de la reconstruction aux mutations de l’urbanisme des années 1960, Gamet poursuit son « journal photo ». Mais sa carrière l’entraîne très vite loin de Lyon. En 1946, soucieux de réactiver l’agence Rapho, fondée en 1933, Raymond Grosset l’appelle à rejoindre l’équipe où travaillent Brassaï, Ronis et Doisneau, chantres d’une « photographie humaniste » qui fait la réputation de l’agence. La greffe prend. En 1953, André Gamet compte au nombre des cinq meilleurs photographes français selon The World’s Greatest Photographers New York.

En France, la reconnaissance se fait plus lente. Le choix par la ville de Paris de deux de ses clichés pour l’affichage de la commémoration du 50e anniversaire de la ­Libération ; une exposition plus ample au CHRD, « Lyon, d’ombre et de lumière 1937-1950 » (1997-1998), dont La Martinière publie le catalogue ; un corpus de 400 clichés chez Actes Sud/Motta en 2000 : Douces Frances 1935-2000.

Par une cruelle ironie, quelques jours après sa disparition, la nouvelle exposition du CHRD, « Les Jours sans, alimentation et pénurie en temps de guerre (13 avril 2017-28 janvier 2018) » s’ouvre sur un cliché d’André Gamet, pris rue Béchevelin, à Lyon, en 1941, devant une boucherie chevaline où le manque est la règle.

Le Monde
17 Avril 2017